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« Les Deux Visages de la résilience. Contre la récupération d’un concept », sous la direction de Boris Cyrulnik, éd. Odile Jacob, 208 p., 22,90 €.
La renommée nuit-elle aux idées ? On pourrait le penser. Regardez l’évolution de celles qui deviennent grandement populaires. Leur notoriété est d’abord source de joie. Le public découvre une perspective inédite, ses auteurs et promoteurs se réjouissent de voir se répandre une notion qu’ils contribuent à perfectionner. Mais l’euphorie ne dure qu’un temps. Plus l’idée se diffuse, connaît emplois nouveaux et applications inédites, plus elle suscite aussi usages abusifs, contresens, incompréhensions. Pire encore : on lui prête bientôt, comme à toute célébrité, des aventures inventées et des travers imaginaires.
C’est ce qui est arrivé, ces dernières décennies, à la résilience. Le terme est ancien mais, à partir des années 1980, l’œuvre de Boris Cyrulnik lui confère une signification nouvelle. Le neuropsychiatre l’emploie pour désigner le processus de « reprise évolutive après un traumatisme ». Même si le développement physique et psychique d’un jeune enfant a été gravement endommagé par un environnement hostile, menaçant, dépourvu de présence attentive et de mots, il demeure possible que les méfaits s’effacent. A condition qu’un tissu affectif soit reconstitué, que des relations humaines positives soient restaurées, la vie peut revenir, et le désarroi s’effacer.
Somme toute, il s’agit de constater que les malédictions ne sont pas inexorables, de tenter de comprendre scientifiquement les conditions qui permettent de les surmonter, et d’agir collectivement pour mettre en place ces conditions favorables. C’est ce qu’ont déjà expliqué mille travaux de recherche sur ces sujets, et que rappellent dans Les Deux Visages de la résilience, avec précision et clarté, une brochette d’experts issus de diverses disciplines. S’il faut préciser ces éléments une fois encore, c’est qu’au fil du temps la notion de résilience a été mise à toutes les sauces, au point de ne plus vouloir dire grand-chose.
On l’a confondue avec une sorte de résistance à toute épreuve, en tous domaines. Ou bien avec un optimisme aussi béat que benêt (quoi qu’il arrive, on s’en tire toujours, en fin de compte…), ou même avec une stupide théorie du bonheur par le drame, qui supposerait nécessaire ou souhaitable d’avoir été traumatisé… pour devenir heureux ! Surtout, sans doute plus dangereuse que la bêtise, une insidieuse inversion du sens s’est donné libre cours. C’est contre cette dernière que s’insurge aujourd’hui le pionnier de l’aventure, Boris Cyrulnik.
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